DANAVA - Nothing But Nothing


Au début des années 2010, deux formations régnaient sur le heavy-stoner-rock : les Allemands de Samsara Blues Experiment et les Américains de Danava. Le premier avait opté pour un stoner-metal bluesy et psychédélique qui fit des ravages tout au long de cinq albums et un live impeccable. Danava prit le parti d’un heavy-metal stoner fortement imprégné de synthétiseurs et de sonorités électroniques vintage qui le démarquèrent d’entrée. « UnonoU » en 2008 sera le grand chef d’oeuvre de sa première partie de carrière, avant d’opter vers un son heavy plus conventionnel mais pas moins passionnant. « Hemisphere Of The Shadows » en 2011 sera leur pierre angulaire de ce début de décennie.

Samsara Blues Experiment allait être inexorablement atteint de découragement à partir de 2017 et « One With The Universe », avant de s’éteindre sur la superbe coda « End Of Forever » en 2020. Danava ne prendra même pas cette peine : après les dates de concerts de la tournée « Hemisphere Of Shadows », le groupe disparut sans laisser de trace. Douze années durant, il n’y aura pas le moindre signe de vie, pas même un petit concert de réunion, ou un album solo de son leader, le guitariste-chanteur et claviériste Gregory Meleney. C’est bien simple, c’est comme si les quatre musiciens s’étaient dissous dans l’atmosphère, comme une comète merveilleuse.

L’auteur de ces lignes en fut bien attristé, car Meleney était un sacré guitariste et compositeur. Danava avait indiscutablement trouvé une âme unique qui le différenciait de la grande majorité de la scène stoner-rock. Il avait aussi participé à déclencher l’arrivée d’une nouvelle scène plus audacieuse comme Kanaan, Mythic Sunship ou Elder, qui n’avait plus peur de fusionner de nombreuses influences omises dans leur stoner : jazz-rock, rock progressif, krautrock…

Où était ce merveilleux pionnier ? Pourquoi s’était-il volatilisé ? Meleney n’est pas très disserte sur le sujet, mais si l’on se réfère à l’expérience Samsara Blues Experiment, il s’agit sans doute du même syndrome : la fatigue de l’absence de reconnaissance, une carrière qui stagne sous un plafond de verre malgré de superbes albums et des concerts denses. Danava n’a par ailleurs jamais été très stable dans son line-up, et un ultime clash aura eu raison de la conviction de Meleney.


Nothing But Nothing, la résurrection

Et puis, un beau jour de 2023, voilà que les mythiques Tee Pee Records annoncent un nouvel album de Danava : « Nothing But Nothing ». De la formation de 2011, il ne reste que Gregory Meleney et le batteur Matt Oliver. Dominic Casciato tient la basse, et Kerby Strom la seconde guitare, excepté sur le titre « At Midnight You Die », le rôle étant alloué à Peter Hughes des Sons Of Huns.

Il ne sera guère surprenant d’affirmer que Gregory Meleney domine largement le propos au chant, à la guitare, et aux claviers. Il est aussi et évidemment l’artisan principal des chansons de ce nouveau disque. Il est le garant de la sonorité de Danava, qui avec des apports de claviers plus ou moins importants, reste toujours dans une ligne créatrice unique. « Nothing But Nothing » est le digne successeur de « Hemisphere Of Shadows », presque comme si il ne s’était rien passé entre les deux. Si l’on veut être quelque peu de mauvaise foi, c’est un peu le cas du côté du rock, et la purge électro-pop quotidienne ne fait que confirmer le fait qu’il va falloir faire revivre les bases.

Danava est ressuscité, et avec lui sa personnalité unique. Pour ce retour, Meleney n’a pas voulu revenir dans les synthétiseurs vintage, trop utilisés à tort et à travers. Il a décidé de faire rager les guitares. Elle sont souvent en twin, comme Thin Lizzy et le Judas Priest de la fin des années 1970, l’une des grandes influences de ce disque. Car oui, un titre comme « Strange Killer » aurait pu finir sur « Sin After Sin » ou « Stained Class » de Judas Priest. Danava sait manier le heavy-metal tranchant, plonger la lame dans l’effervescence psychédélique, et en ressortir une musique encore plus abrasif qu’originellement. Si Meleney n’a pas la gorge de Robert Halford, l’homme a du talent au chant, et son timbre est aussi une des marques de fabrique de Danava.

Cependant, Ce nouvel album n’est pas juste la résurrection d’un des meilleurs groupes de stoner-metal vintage dans sa période guitares. Gregory Meleney fait revivre les sonorités krautrock de « UnonoU » avec les claviers de « Enchanted Villain », de la fin de « Strange Killer », et du fantastique « Nuthin But Nuthin », le plus électronique et fou de tous.


Que faut-il en retenir ?

Le disque commence comme une suite de « Hemisphere Of Shadows », avec une série de titres redoutables de guitares en harmonie, portées par une section rythmique solide, au jeu de batterie très psychédélique. « Nothing But Nothing », « Let The Good Time Kill », et « Season Of Vengeance » assoient avec brio sa personnalité et son brio unique. Jonglant entre heavy-metal prog fulgurant à la Captain Beyond, et sonorités plus seventies comme UFO, Thin Lizzy ou Deep Purple.

A partir de « Enchanted Villain », Danava prend un chemin de traverse finement amené. Car le dit-titre commence par un riff ébouriffant de rage lorgnant vers Armored Saint et Metal Church. « At Midnight You Die » déboule comme un uppercut nu entre les premiers albums d’AC/DC et de Status Quo. « Strange Killer » emmène la formation sur d’autres terres, et là commence un voyage sonique novateur. Les rivages de ce morceau restent encore relativement évidents. Et puis, « Nuthin But Nuthin » vient bouleverser les certitudes, et notamment que Danava est un groupe de heavy-rock vintage sans substance.

Le dernier titre, « Čas » est une composition du duo Tchécoslovaque František Ringo Čech et Jiří Schelinger. Il fallait aller chercher cette chanson, et le résultat est stupéfiant de force et de magie. Gregory Meleney va jusqu’à respecter la langue originale, qui semble sonner comme un yaourt d’anglais, mais sur lequel Meleney semble insister pour bien faire respecter la sonorité de la langue originelle. Danava en donne une dimension heavy superbe, tout en respectant la langue et le patrimoine original de l’album de 1979, « …Nám Se Líbí… ».

Alors que ce dernier morceau étonnant se termine, Danava est-il toujours au meilleur niveau ? L’écoute attentive de cet album rend évidente cette analyse. Derrière un premier vernis sonore en terres connues, Danava est allé plus loin, et ce nouveau disque est déjà devenu une pierre angulaire de sa discographie. Les chorus de Meleney et Strom sur « Čas » sont des diamants, et alimentent un peu plus l’universalité du stoner-rock indépendant à travers le monde, les groupes de toutes parts ayant les meilleures intentions.





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2 Commentaires

  1. Si tout l'album est au diapason de la chanson de clip, on risque de saigner des oreilles !!! Vivement la fin du mois.
    :-D

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