FUZZ SAGRADO - Luz e Sombra et SURYA KRIS PETERS - Strange New World

 



les flammes de l’Enfer lèchent désormais près d’une moitié de la planète. Canada, Algérie, Grèce, Italie, Espagne, Turquie, Chine… sont désormais écrasés par des chaleurs infernales atteignant ou dépassant les cinquante degrés. La plupart partent en fumée, comme le jadis si vert Canada désormais carbonisé sur des surfaces ahurissantes représentant plusieurs pays européens. Malgré la catastrophe qui monte, les responsables politiques révèlent leur cynisme le plus absolu, défendant avec morgue et mépris une petite caste d’industriels et d’actionnaires puissants dont l’avenir de l’Humanité ne présente aucun intérêt, puisque non rémunérateur. La France est et a été durant cette séquence estivale un des grands cauchemars néo-libéraux à l’attitude complètement suicidaire. Démarrant l’été dans des conditions de sécheresse des plus critiques, commençant à souffrir d’épisodes de canicule sévère, la météo va nous sauver, rare pays européen à se retrouver arroser sur la grande majorité du territoire par des pluies régulières accompagnées d’une baisse de température quasi-automnale. Les professionnels du tourisme se plaignent, mais dans les ministères et les préfectures, on souffle : aucun décision drastique ne sera à prendre. Et même si le sud-est du pays suffoque comme le reste du bassin méditerranéen, et que la Mer Méditerranée a atteint un record de presque vingt-neuf degrés, finalement, tout va bien, du moins en France. Le ministre de l’Agriculture trouve les températures « normales » alors qu’un nouveau record mondial de température moyenne a été atteint au mois de juillet, et que l’on continue à promouvoir batteries électriques, produits chimiques, irrigation par bassines, qu’on délivre des autorisations de pompage à Nestlé de plus en plus grandes, et que des espèces animales comme le renard ou la belette sont encore classées comme nuisibles et piégeables au nom du lobby de la chasse, dirigé comme le patronat et le principal syndicat agricole par des industriels et des bourgeois bouffis de bêtise arrogante.

Luz e Sombra, le retour à la lumière

Kris Peters, alias Christian Peters, autrefois leader et génie de l’immense Samsara Blues Experiment, a pris le large un peu avant la crise du COVID de 2020. Il publiera un ultime album brillant de Samsara : End Of Forever. Après la dernière tournée de 2017 en trio, il avait commencé à explorer son pays natal, l’Allemagne, avant de partir explorer l’Europe de l’Est encore relativement préservée du démon ultra-industriel.

Déjà fortement marqué par la méditation bouddhiste, Peters deviendra Surya Kris Peters, et se consacrera à sa passion de la musique et de l’illustration inspirée des seventies. Puis il fera le choix de partir au Brésil, où il réside toujours. En terme d’écologie et de nature, Peters a été témoin du mandat Bolsonaro, soit l’accomplissement de ce que l’on peut qualifier de lie de l’Humanité. Machiste, raciste, masculiniste, totalement acquis aux lobbies de l’agro-industrie de la viande et du bois, vraisemblablement corrompu jusqu’à l’os, con comme une valise sans poignée, Jair Bolsonaro a finalement dû déguerpir après les dernières élections présidentielles qui ont réhabilitées Lula. Ses partisans tenteront un coup d’État minable inspiré de la prise du Capitole de Trump, avant de se cacher. Il est indéniable qu’un accord secret a été passé entre Lula et Bolsonaro pour autoriser ce dernier à revenir, Lula cherchant une paix sociale fragile dans un pays des plus tourmentés. Kris Peters a été témoin de tout cela, du haut de sa désormais petite position d’expatrié allemand travaillant dans la musique et l’artistique. Il a vu ce Brésil qui est désormais le sien basculer, comme il a vu la vieille Europe agoniser à l’époque du COVID et la fin du Samsara Blues Experiment.


Que faut-il en retenir ?

Kris Peters a repris une activité musicale de plus en plus active. 2022 a marqué l’arrivée de l’entité de Fuzz Sagrado. Il s’agit d’un one-man band qui va délivrer un premier album nommé A New Dimension en 2022. Le disque, très réussi, montre un homme revenu de ses désillusions, et prompt à redémarrer sa progression musicale. On y retrouvait notamment l’atmosphère stoner-metal des années Samsara Blues Experiment. Luz e Sombra ravive à nouveau ce feu, ce blues intense nimbé de claviers vintage comme le mellotron et d’antiques synthétiseurs.

Luz e Sombra poursuit une sorte de catharsis personnel de Kris Peters. Il y évoque ses angoisses en tant que citoyen confronté à la folie du monde. Il est sensible aux ravages que cause l’homme à la nature, cette même nature qui avait empêchée Peters de basculer dans la dépression après l’échec de Samsara Blues Experiment et les désillusions liées au business de la musique. « There’s No Escape », « Wake Them Up » ou « Broken Earth » évoquent avec justesse ces thèmes. Et puis il y a les choses plus personnelles, et notamment la fin de Samsara Blues Experiment avec « Leaving Samsara », ou « Learning To Live, And Living Again ». Il s’agit plus encore que A New Dimension d’un disque intime sur lequel Peters met enfin en mots ses douleurs passées et ses angoisses d’être humain face à l’avenir du monde.

Musicalement, Luz e Sombra n’est pas un nouvel album de Samsara Blues Experiment en solo. Bien sûr, il est indéniable que la voix de Peters et les riffs grondants teintés de psychédélie ne sont pas sans rappeler l’immense groupe passé. Mais l’utilisation des claviers, ainsi que de guitares acoustiques et de percussions vient atténuer le côté heavy pour donner à l’ensemble une atmosphère plus largement rock. Cela n’empêche pas les tempêtes électriques comme la seconde partie de « There’s No Escape », « Luz e Sombra » ou « Love In Progress ». L’introspection passe aussi beaucoup par les vastes passages instrumentaux sur lesquels Peters fouille les notes avec sa guitare, créant un blues électrique mélancolique et lumineux.

Cet album publié il y a quelques mois, l’activité autour de son travail s’est mise à s’accélérer alors que Peters commence à réfléchir à lancer un vrai groupe solo sur la route pour quelques dates. Le guitariste a poursuivi le processus de paix avec son passé et l’aventure Samsara Blues Experiment. L’album Demos & Rarities est venu ravir les vieux fans dont je suis avec de petites pépites stockées dans les archives de Peters et désormais dévoilées. On y retrouve des versions touchantes et en cours d’élaboration de « Singata Mystic Queen », « Double Freedom », ou « All Is One ». On retrouve surtout le coeur musical infernal de ce groupe mythique, débordant de rage psychédélique et de blues incandescent. Un live issu de la tournée 2017 est en cours de mixage pour une sortie prochaine.

Puis vient de sortir un projet solo sous le nom de Surya Kris Peters. Depuis 2018, le musicien expérimente les vieux claviers analogiques et les sonorités folk et orientales. Il publia sous cet intitulé quelques chansons, sans aller au-delà. Il s’agissait surtout pour lui d’une introspection, d’une sorte de purification intérieure après la désillusion Samsara Blues Experiment à charbonner du stoner-metal en fusion sans obtenir la moindre reconnaissance. Jouer ce type de musique et se perdre dans la nature furent ses bouées de secours, lui évitant de sombrer.

Le retour à l’électricité acté avec Fuzz Sagrado, Peters a décidé d’aller au bout de son idée de musique électronique avec l’album Strange New World. On y retrouve beaucoup d’influences dans cette musique. Il y a en premier lieu le Krautrock et les pionniers électroniques allemands : Klaus Schulze, Tangerine Dream, Popol Vuh, mais aussi des anglais comme le rock progressif de Yes, King Crimson et Nektar. Le disque n’est par ailleurs pas dépourvu d’électricité, comme le démontre les orages électriques de « False Prophet ». Il semble que tout se reconnecte dans la musique de Kris Peters. Ce qui fut durant quelques années de multiples bouts de verre éparpillés se reconstituent en une matière mouvante et protéiforme, à la ligne directrice claire.

Strange New World est un album instrumental qui voit son auteur développer des thèmes intenses. « False Prophet », « Trivial Space Travel », « Blues For Aquiles », « Two Different Worlds », « Dreams Of Savoonga »… sont autant d’étapes d’un voyage sonore riche qui va bien au-delà de ce que l’on avait pu entendre avec Samsara Blues Experiment. Il semble se dessiner la musique d’une sorte de Carlos Santana à la fois plus heavy et plus électronique, flirtant avec les expérimentations jazz-rock de Go, le groupe de Stomu Yamashta avec Steve Winwood, Klaus Schulze et Al Di Meola.

Comme pour Luz e Sombra, un vrai batteur aurait magnifié la puissance de l’enregistrement, mais les programmations électroniques n’abîment aucunement la force mélodique et spirituelle de ces onze pistes de musique introspectives et spatiales où résonnent synthétiseurs, sitar, guitares électrique et acoustique. Peu à peu, Kris Peters se mut en une sorte de Brian Eno stoner et psychédélique, expérimentant avec passion et inspiration chez lui de multiples sonorités, loin de la foule et des tristes considérations comptables, en attendant un retour espéré sur scène.




Enregistrer un commentaire

0 Commentaires