Petite plongée au Red Smoke Festival, le temple du stoner-rock en Pologne


Parfois, la vie vous emmène dans des endroits où vous n’auriez jamais pensé y mettre les pieds. On fait des rencontres fortuites, on tisse des liens et puis voilà qu’un beau jour vous décidez d’organiser un road-trip direction la Pologne dont l’une des étapes vous mène à un petit festival qui répond au doux nom de « Red Smoke Festival » à Pleszew - prononcez « plécheffe » - petite bourgade de 17.000 habitants située entre les deux grandes villes de Lodz et Poznan. Difficile à croire, mais ce qui m’a mené au Red Smoke Festival, c’est avant tout une rencontre avec une polonaise qui m’avait parlé de ce festival l’an passé et qui m’avait dit : « tu devrais venir pour l’édition 2016, tu vas voir c’est un petit festival mais qui ne ressemble à aucun autre ». Et voilà qu’en avril dernier, la décision a été prise avec un pote lui aussi fan de stoner de parcourir plus de mille kilomètres en bagnole pour rejoindre Pleszew qui, durant l’espace de trois jours, se veut comme la capitale du stoner en Pologne.

Un festival résolument "underground"


Notre arrivée se fait le vendredi 8 juillet aux alentours de 10 heures du matin et la première chose que j’ai aimé, c’est ce côté familial dans le camping qui reste à dimension humaine (on est à des années lumières de celui du Hellfest). Le polonais est la langue officielle du festival, mais vous pouvez aisément parler en anglais avec vos voisins de camping voire même de parler en français pour peu que vous ayez la chance de tomber sur un polonais qui vit en Suisse (dédicace à toi Ernest, si tu lis ces lignes !). Dans un pays où on a l’habitude de boire de la bière en canette, il est clair qu’on se fait vite remarquer en versant du Picon Bière avant la Zubr - une bière populaire en Pologne - et cela a suscité une curiosité assez grande qui a poussé nos voisins à venir à notre rencontre pour savoir de quel pays on venait. La plupart étaient surpris de voir des français dans le fin fond de la Pologne et disaient que nous étions « crazy » d’avoir fait autant de route pour venir jusqu’ici. Certes, il y a une part de folie pour venir jusqu’ici en voiture, mais les voyages lointains ne sont-ils pas un thème propre au stoner rock ? Voyager et découvrir de nouvelles cultures, de nouveaux horizons, c’est aussi ça qui me pousse à avancer dans la vie. Et puis l’affiche de cette édition était merveilleuse et même si je ne connaissais pas tous les groupes, j’avais le pressentiment que j’allais faire de bonnes découvertes. 

Un stand de nourriture se cache à l'intérieur de ce tipi en bois...
De belles rencontres sont faites sur le camping !

Lorsqu’on est un habitué du Hellfest - qui est un festival rondement bien organisé - venir au Red Smoke change complètement la donne, et c’est tant mieux. C’est bien connu, le stoner-rock a ce côté « do it yourself » emprunté au mouvement punk et il est indéniable que les organisateurs du Red Smoke Festival ont parfaitement imprégné cette chose dans l’esprit même du festival. Ici pas de décoration digne d’un parc d’attraction pour métalleux. Non. Ici ce sont les panneaux en bois agglomérés avec de la peinture qui règnent en maîtres, tout comme les cartons avec la mention « Gastro » fixé avec du scotch qui indiquent, non pas un lieu pour choper une gastro-entérite, mais un lieu de restauration au cœur du camping. Ici, on vous laisse rentrer sur le site avec votre gobelet peu importe ce qu’il y a dedans, la règle d’or c’est juste de ne pas apporter de verres pouvant servir de projectile. Et on se fout complètement de ce que vous buvez si c’est de la bière, de la vodka ou tout autre alcool fort. Non, on ne vous pousse pas à la consommation une fois sur le site. D’ailleurs, comme le camping est situé à quelques dizaines de mètres du site, il est très facile d’aller se ravitailler en alcool entre chaque groupe. 

Vous avez dit "do it yourself" ?

La principale et unique scène n’est pas très grande et fait face à un petit amphithéâtre où on peut soit s’asseoir, soit se tenir debout devant les barrières ; je dois dire que c’était la première fois que je voyais une telle disposition pour un festival. Sur le côté gauche de la scène, sont disposés des canapés et fauteuils en tout genre pour se la couler douce en étant plus ou moins à l’ombre pour boire un coup, passer un bon moment avec les potes ou bien pour d’autres de commencer une sorte de voyage astral tout en étant juste à côté de la scène et des groupes qui passent. D’ailleurs, au Red Smoke, on aime prendre le temps de vivre. Le planning n’est pas chargé car les groupes programmés ne commencent pas avant 17h et pour vous mettre en jambe, vous pouvez aller écouter les groupes locaux qui jouent vers 13h-14h au niveau du merchandising (vidéo au bas de l'article) tout en restant posé dans un canapé ou sur les marches qui mènent à l’amphithéâtre. Les derniers concerts sont programmés vers 23h pour finir vers minuit voire 1h du matin. Et ne croyez pas que vous allez vous coucher tout de suite, puisque sur le camping, vous pouvez danser toute la nuit avec un DJ qui passe du stoner et du psyché jusqu’à ce que le soleil pointe le bout de son nez !

Le Red Smoke Festival, c'est aussi une ambiance familiale


Et puis il y a cette ambiance. Avec des températures assez hautes, il y a avait comme une sorte de torpeur au sein du festival, un mot qui colle parfaitement à ce qu’est le stoner rock. Alors, on se pose dans un coin ombragé pour siroter une bière pendant que le voisin d’à côté joue de la gratte électrique et que votre voisine fume une petite verdure dont les émanations parviennent jusqu’à vos narines. D’ailleurs, le festival porte très bien son nom puisqu’il est constamment baigné dans les effluves de marie-jeanne pendant trois jours et puis si jamais vous êtes venus sans matos, on vous en filera volontiers que ce soit sur le camping ou devant la scène pour mieux profiter du concert. C’est en écrivant ces quelques lignes que je viens de me rendre compte que cette ambiance, elle est tout simplement familiale. Comme si vous étiez à une sorte de réunion de famille géante sauf qu’au lieu du lien du sang, c’est l’amour du stoner, du doom et du psychédélisme qui vous unit les uns aux autres.





Cette ambiance familiale se vérifie aussi entre les spectateurs et les artistes. Les groupes peuvent aisément descendre au niveau du public lors de leurs prestations. L’interaction entre le public et les groupes se fait de manière spontanée, naturelle et surtout comme s’il n’y avait pas cette barrière artistes/spectateurs : je me souviens du moment où le chanteur de Godsleep vient au niveau des barrières pour nous demander comment on dit « santé » en polonais (« yamas » en grec), tout le monde crie alors « zdrowieeeeeeee ». Et puis il y a eu aussi un autre moment privilégié avec les français de Cheap Wine avec qui on a taillé la bavette après leur prestation mémorable – j’avoue que c’est sûrement plus facile de parler avec des groupes français dans un pays étranger, et encore plus en Pologne ! Et puis on voit les gars de Truckfighters au merchandising, prêts à tailler la bavette ou bien à signer quelques autographes s’il le faut, mais à mon grand regret je n’ai pas eu le cran d’aller les voir tellement je les considère comme un grand groupe ; la même chose m’était arrivée avec les grecs de 1000mods lors d’un concert à Francfort… Tant pis, ce sera pour la prochaine fois ! 

Le dimanche soir, à la fin des concerts, il y a aussi eu un précieux moment : celui où les organisateurs du festival – qui sont ni plus ni moins les membres de Red Scalp avant tout – sont montés sur scène ; la foule a alors scandé des « dziękuję! dziękuję! » suivi des « eh-ya-eh ! eh-ya-ooooh » en référence au titre ‘Tatanka’ de Red Scalp, qui est devenu à ce moment comme l’hymne du festival. Les organisateurs visiblement émus, nous demandent juste d’arrêter car on en fait un peu trop, avant de nous donner rendez-vous pour l’année prochaine et en s’excusant des problèmes qu’il y a pu avoir avec des désistements de dernière minute (Wucan remplacé par Weedpecker) et d’une satanée tempête qui a tout simplement empêché le groupe Naxatras de jouer le vendredi soir. Mais, franchement en dépit de ces problèmes, ça ne sert à rien de s’excuser tant on s’est si bien senti pendant ces trois jours. 



Le mot de la fin ?

Lorsqu’un festival se termine, c’est toujours la même rengaine : on a comme une sorte de gueule de bois aussi bien physiquement – il faut bien profiter de ces dernières heures de bonheur – mais aussi moralement, parce que c’est toujours un mauvais moment que de remballer sa tente et ses affaires dans le coffre de la voiture, même si les vacances se poursuivent. Deux mois après, c’est en écrivant ces lignes que je me rends compte que c’est l’un des meilleurs festivals qu’il m’ait été donné de faire. Cette sensation de faire partie d’un clan, d’une famille, alors qu’on n’est même pas dans son pays, c’est quelque chose qui m’a profondément marqué. J’ajouterai également que, évidemment, cette impression de faire partie d’une famille est marquée par le fait qu’on se retrouve tous dans un même genre musical ; mais il ne faut pas oublier l’hospitalité du peuple polonais. En l’espace de quelques minutes, vous n’avez aucun mal à vous faire des amis et vous parlez comme si ça faisait des années que vous vous connaissiez. Je pense que cette hospitalité propre aux slaves, est quelque chose qui rend le Red Smoke Festival encore plus marquant. 

Pour en revenir au bilan de ces trois jours, j’ai envie de dire aux organisateurs « ne changez rien », il faut que le Red Smoke Festival reste tel qu’il est même si le succès est au rendez-vous. Il faut qu’il reste dans cette petite bourgade qu’est Pleszew ; il faut qu’il garde ce côté « do it yourself » ; qu’il garde sa scène, son petit amphithéâtre et son camping coincé entre la scène et la piscine municipale. Continuez à développer cette merveilleuse ambiance dans un si petit festival et il deviendra comme un passage obligé pour les groupes et un pèlerinage pour les amoureux du stoner rock. Je ne sais pas si je répondrai présent pour la prochaine édition, mais une chose est sûre, si la possibilité m’est offerte je n’hésiterai pas une seule seconde à y revenir !







  • Crédits photos : Red Smoke Festival | La Planète du Stoner Rock